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Une famille décimée par un accident

Question du 11 janvier 2017

Le 25 décembre, ma cousine a eu un accident de voiture en Roumanie avec sa famille. Son mari et une de leurs deux filles sont décédés sur le coup, et la deuxième fille est dans le coma sans espoir d’un retour. Seule ma cousine s’en est sortie sans grandes blessures physiques.
Je n’ai pas de mots pour dire à quel point cela a détruit la famille autour, nous avons encore du mal à nous en remettre. Je partage cette information personnelle avec toi car j’ai grand besoin d’un conseil avisé : comment peut-on aider quelqu’un qui a tout perdu ?!? Existe-t-il des livres avec conseils pour approcher une personne comme ma cousine et lui être un minimum utile, d’un quelconque soulagement ou du moins pas complètement inadéquat ?…
Je sais qu’il n’y a pas de recette miracle, mais si tu connais des références où je peux trouver des outils concrets, pour moi mais aussi et surtout pour mes proches de Roumanie, je serais vraiment prenante. Nous sommes tous démunis face à cette détresse absolue, nous attendons d’un jour à l’autre qu’on nous appelle pour le troisième enterrement et surtout nous attendons que ma cousine réalise l’ampleur de cette grotesque tragédie. Elle se montre forte pour l’instant, mais c’est surtout parce qu’elle est sous calmants à cause de ses blessures et qu’elle espère encore que sa fille s’en sorte – malgré l’avis des médecins. En te remerciant d’avance de toute piste.

Réponse de Lydia
Je suis très touchée par le cataclysme qui a touché ta famille et surtout ta cousine qui devra réapprendre à vivre seule et à survivre avant de pouvoir un jour vraiment renaître à sa vie. Je pense la culpabilité d’avoir survécu pourra poser un gros problème, voire le risque du suicide pour suivre ses chers disparus. Ta cousine est probablement encore sous le choc ce qui occasionne un état sans émotions, de stupeur, comme anesthésiée. On appelle cela un état de dissociation pour ne pas sentir sa souffrance. Elle est coupée d’elle-même. Mais en même temps ce sera important qu’on l’encourage à exprimer sa douleur, sa colère, voire sa rage. Elle sera probablement tournée contre le responsable de l’accident, mais si c’est son mari ce sera compliqué. S’il n’y a pas de responsable désigné, comme la neige, la colère sera plus contre Dieu et le destin. Je ne sais pas si les Roumains sont aussi coincés comme nous dans l’occident, car cela donne des deuils sans fin, vu qu’on a tout réprimé. Il me semble important qu’on n’anesthésie pas ta cousine par des antidépresseurs – ce dont on abuse ici – qui la rendront un zombie. L’émotionnel est difficile, mais nécessaire à traverser. Après il y aura la souffrance de l’absence, que je considère comme étant le cœur du deuil.
Dans l’accompagnement je mets en garde contre les mots creux, car il n’y a pas de mots qui soient justes. Surtout pas des consolations bons marché comme « ils sont bien maintenant » ou « c’est la volonté de Dieu ». Ce n’est pas entendable.  Mieux vaut rester silencieux. Elle a peut-être besoin d’être prise dans les bras comme un enfant, être bercée (si elle accepte), pour qu’elle puisse se laisser aller à pleurer. Il faut en tout cas valider ses émotions, càd. les reconnaître et surtout pas les contredire ou lui prescrire ce qu’elle devrait sentir. Une chose encore : je ne sais pas si elle était à l’hôpital au moment de l’enterrement et n’a pas pu dire adieu aux êtres défunts. Si c’est le cas, il faut par la suite le faire par un rituel. Dire adieu est si important.
Je te recommande le livre du psychiatre Christophe Fauré Vivre le deuil au jour le jour. Et puis j’ai découvert le livre Wave, de Sonali Deraniyagala, le récit d’une femme qui a – comme ta cousine – perdu les siens, son mari, ses enfants et ses parents lors du tsunami. Voilà en peu de mots ce que je peux dire pour le moment. N’hésite pas de revenir si tu as besoin de parler plus.