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Guérir c’est bien, mais mourir guéri c’est bouleversant

L’accompagnement de 2 patients atteints d’un cancer incurable a été émerveillant pour moi ces derniers mois. L’un des patients – aujourd’hui dans les dernières phases – a été un bel enseignement concernant les points de blocages dans la « mourance » : P. savait l’incurabilité de son cancer de la prostate métastasé aux os, néanmoins, il poursuivait une chimio. Déçu des soins palliatifs qui n’arrivaient pas à calmer ses douleurs, ajouté à l’impression de devenir un poids pour ses proches qui assuraient un tournus auprès de lui, il décida de s’inscrire à Exit. Le point de bascule eut lieu lorsque j’entendis son médecin l’informer par téléphone de la progression du cancer dans la plèvre produisant de l’eau dans les poumons. Je lui dis juste : « P., c’est le début de la fin ». Il s’effondra, comprenant la proximité de la mort. Il arrêta la chimio et, dès ce jour, je pus observer que ses douleurs disparaissaient pratiquement. Il gagnait une nouvelle sérénité, le rayonnement sur son visage le rendait beau ! Un jour, il manquait quelqu’un sur le planning pour lui préparer à manger. 6 minutes après le Whatsapp d’appel à l’aide, un ami s’annonçait déjà ! Il devenait évident que s’il faisait appel à Exit maintenant, il allait se priver lui-même d’une expérience, mais aussi ses proches qui aiment passer du temps avec lui. Je lui dis : « Tu leur offres une expérience rare, une mourance lumineuse. Tu es devenu non pas un poids pour les gens mais un cadeau ! »

J’ai accompagné la 2e patiente, S., pendant 6 années suite à la progression de son cancer du sein aux os. Au départ, d’un rationalisme totalement hermétique aux sentiments – pour elle, ne comptait que l’analyse et la logique – je l’ai vue peu à peu s’ouvrir au ressenti du corps et des émotions, à ses propres besoins et envies à la place des « il faut, je dois ». Elle commença par refuser de descendre les pistes noires qui la terrorisaient par leur raideur, lui enlevant tout plaisir de skier. Elle allait faire les bleues, plus faciles. Il lui fallu affronter la déception de son mari et de ses enfants. S. vivait ses chimios successives avec étonnamment peu d’effets secondaires. Elle avait une foi immense en la capacité de son corps de s’approprier ces traitements à son avantage, jusqu’au jour où un traitement lourd la terrassa au point de devoir l’interrompre. Ce fut la bascule : son corps n’acceptait plus les traitements. Il fallait qu’elle arrête l’enseignement qu’elle adorait, puis elle comprit que cette retraite forcée signifiait donner la priorité à sa vie, à ses envies, à sa famille. Durant cette année, elle participa à plusieurs séminaires d’Entrelacs et découvrit l’amour pour sa mère qui s’était suicidée, un amour approfondi pour ses enfants, et avant tout, l’amour pour elle-même. Ses dernières semaines elle était rayonnante, lumineuse même. Elle savait qu’elle allait mourir, mais affirmait qu’elle mourait guérie intérieurement. Guérir physiquement c’est bien, mais mourir guéri est bouleversant pour ceux qui ont le privilège d’y assister.