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Une bouteille à la mer suite au long parcours médical de ma mère à 92 ans

Question du 19 mars 2018 :

Je vous écris au sujet de ma mère, qui va bientôt avoir 92 ans (le 4 avril) et dont le parcours médical de ces derniers 18 mois a été le suivant :
A la fin de l’été 2016, on lui a diagnostiqué un cancer du côlon et elle a été opérée en novembre 2016 à la Clinique G., par le Dr. C. Elle a très bien récupéré de son opération, mais a eu par la suite une sensation de gêne plus ou moins prononcée à l’endroit de son opération, et également une sensation de fatigue. Malgré cela, son état général était bon, elle pouvait continuer à vaquer à ses occupations, faire ses courses, etc..
Pendant tout ce temps, et encore maintenant, j’étais en contact régulier avec son médecin traitant, le Dr. G. Mais suite à un scanner fait en juin 2017, il s’est avéré qu’il y avait une récidive de cellules cancéreuse sur l’endroit où elle avait été opérée, mais heureusement cela restait très localisé – pas de métastases. Son oncologue, le Dr. W., lui a donc prescrit une chimiothérapie par voie orale (Xeloda), à petites doses (1 comprimé le matin et 1 comprimé le soir).
Ma mère a très bien réagi à ce traitement car les marqueurs de cancer ont ensuite considérablement baissé ; ma mère a été ensuite contrôlée chaque mois. Cependant, elle se plaignait d’être très fatiguée, ce qui fait que lors de son contrôle de novembre 2017, l’oncologue lui a proposé de faire une pause dans le traitement, puisque les marqueurs du cancer avaient bien baissé, afin de voir si elle se sentirait mieux. Je voudrais ajouter que les résultats des tests sanguins concernant le foie, les reins, les globules blancs et l’anémie étaient et continuent à être très bons.
Pendant le mois de novembre 2017, moi-même et mon frère avons dû amener notre mère 3 fois aux urgences à la clinique, car elle se plaignait de douleurs au ventre ; il s’est avéré qu’elle avait des problèmes de constipation, et lors de ces 3 visites on lui a fait un lavement d’estomac. Il a également été noté que notre mère ne s’hydratait et ne se nourrissait pas suffisamment, et cela suite à son opération. A chaque fois, une prise de sang et un scanner ont été faits, qui ne révélaient rien de particulier.
Début décembre 2017, j’ai amené ma mère aux urgences des HUG, toujours suite à ses maux de ventre. Là aussi, les examens sanguins et le scanner ne montraient rien de particulier. Elle a ensuite été transférée à l’hôpital des Trois-Chênes, où elle est restée pendant 7 jours, et où on n’a pas réussi à trouver l’origine de ses maux de ventre. Un scanner a été fait, qui a montré qu’il y avait un petit carcinome qui avait légèrement augmenté de volume, mais rien d’alarmant.
A son retour à la maison, nous avons organisé une aide à domicile avec l’Imad pour la livraison de repas et la venue hebdomadaire d’une infirmière qui l’aide avec son pilulier et qui lui prend la tension. Elle est retournée voir son oncologue courant décembre 2017 et a repris sa chimiothérapie.
Or, début janvier 2018, elle m’a signalé avoir remarqué une boule dans son côté droit, juste en-dessous de la cage thoracique ; j’ai palpé et ai effectivement senti qu’il y avait quelque chose. Le lendemain, moi et mon frère l’avons accompagnée à la Clinique G. et un scanner a révélé qu’il y avait effectivement une masse de cellules vraisemblablement cancéreuses métastasiques. Nous avons donc immédiatement repris contact avec son oncologue, qui a effectivement confirmé ce diagnostic et qui a constaté que les marqueurs de cancers avaient augmenté, mais n’étaient pas aussi hauts qu’en juin 2017.
Son dernier contrôle oncologique date du 1er mars et les résultats sanguins montrent que les marqueurs ont encore augmenté, mais selon son oncologue et son médecin traitant, il n’y a rien d’inquiétant. Sa prise de chimiothérapie a été modifiée et elle prend maintenant un comprimé le matin et 2 le soir.  Elle continue à avoir des douleurs au ventre, de façon plutôt fluctuante. Son oncologue lui a prescrit du Co-dafalgan et cela l’aide un peu.
Ma mère se sent toujours extrêmement fatiguée et elle a l’impression de perdre progressivement ses forces, au point que se lever le matin pour préparer son petit-déjeuner pour accompagner sa prise de chimio lui devient de plus en plus difficile.  Elle a le sentiment que bientôt elle n’aura même plus la force de sortir de son lit.
Il faut ajouter à cela qu’elle a des problèmes d’ouïe et de vue ; elle souffre de DMLA sèche à l’œil gauche, et humide à l’œil droit. Depuis novembre 2017, des injections lui sont faites à l’œil droit chaque mois et d’après elle, cela a considérablement amélioré sa vue. De nouvelles lunettes lui ont été prescrites pour l’aider à la lecture.
En avril 2017, ma mère avait pu tester un appareil d’aide auditive, mais après un mois d’essai elle en a conclu que cela ne lui convenait pas.
Ma mère vit donc seule et moi et mon frère voyons bien que sa capacité d’autonomie a considérablement diminué ces six derniers mois ; elle était effectivement encore capable de faire ses commissions toute seule, mais cela n’est maintenant plus possible et c’est mon frère ou moi-même qui allons lui faire ses courses. Son état de fatigue est tel qu’il est impensable qu’elle sorte non-accompagnée. Tout cela la frustre grandement parce qu’elle se rend compte qu’elle est en train de perdre ses facultés, tant physiques qu’intellectuelles. A mon avis tout s’est précipité quand elle a commencé à avoir de sérieux problèmes de vue depuis l’été passé ; ma mère avant cela était une fanatique des mots croisés qui lui ont permis de se maintenir intellectuellement pendant longtemps et le fait de ne plus avoir de stimulus intellectuel a grandement impacté ses facultés.
Je pense également que le fait qu’elle reste la plupart du temps couchée n’aide pas vraiment ; il faudrait que quelqu’un puisse l’accompagner 2 ou 3 fois par semaine faire des micro-promenades, pour qu’elle s’aère et se bouge un peu, parce que j’ai bien peur que tout ça ne soit un cercle vicieux : plus elle reste couchée, moins elle a envie de se bouger, et plus cela devient difficile pour elle, avec le risque que ses muscles s’atrophient. Travaillant à 100%, je ne peux l’accompagner que les fins de semaine, pour autant qu’elle ait l’envie de sortir.
Pour ce qui est du moral, malheureusement ma mère a tendance – et cela depuis longtemps – à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein, et elle qui était en si bonne forme jusqu’à l’âge de 90 ans, a beaucoup de peine à accepter sa nouvelle situation.
Nous sommes donc 2 personnes à nous occuper d’elle, moi-même et mon frère. Nous nous sentons très souvent démunis et impuissants face à cela. La perspective de devoir placer notre mère en EMS ou ailleurs ne nous emballe pas ; nous préfèrerons de loin qu’elle puisse rester le plus longtemps possible chez elle. Nous l’accompagnons à tous ses rendez-vous médicaux, nous sommes en contact téléphonique régulier avec elle, et passons la voir toutes les fins de semaine.
En plus, dans le cadre de travaux de surélévation dans les immeubles de son quartier, il est également question de refaire la cuisine et la salle de bains de tous les appartements, et elle devra donc déménager temporairement dans un autre appartement situé dans le même quartier ; comme vous pouvez vous l’imaginer, cela la stresse considérablement. Il est question que nous rencontrions une représentante de la régie le jeudi 15 mars, qui va nous expliquer le déroulement de ce déménagement.
Voilà mon parcours de proche aidante depuis plus d’une année ; je sais que c’est un très long message et j’ai un peu l’impression d’envoyer une bouteille à la mer, car je ne sais vraiment pas à qui m’adresser, ni que faire.

Réponse de Lydia :

Votre historique exhaustive m’a en effet fait comprendre l’évolution préoccupante de l’état de santé de votre mère. Mais d’abord, je voudrais souligner et apprécier l’accompagnement constant que vous et votre frère vous avez apporté à votre mère. Elle a réellement de la chance de vous avoir à ses côtés!
Probablement vous n’avez pas réalisé ou on ne vous l’a pas clairement dit qu’elle se trouve engagée en direction de ce qu’on appelle « la fin de vie ». L’évolution de son cancer, lent mais inexorable, montre que la maladie progresse vers un cancer généralisé. Ce sont les hauts et les bas des montagnes russes de la fin de vie avec une tendance nette vers le bas. En cause n’est pas seulement le regard négatif de votre mère, car elle sent que ce qui a été ne sera plus. Donc, nous sommes aussi en présence d’un processus de deuil pas uniquement concernant un aspect de perte sensorielle, mais de toute sa vie et du personnage qu’elle a été. La faire marcher régulièrement ne va pas enrayer le processus, c’est une conséquence de l’évolution de son cancer et surtout de sa chimio qui représente une charge lourde pour son corps âgé. Tôt ou tard il va falloir revoir cette stratégie dans le sens : qu’est-ce qui lui enlève le plus sa qualité de vie : Le cancer ou la chimio ? Ce seront des questions à poser à l’oncologue.
Vous et votre frère, vous vous trouvez aujourd’hui devant des questions et problématiques que la santé physique et mentale remarquable de votre mère jusqu’à un âge avancé vous a épargnés. Quant à un placement ou pas : Pour installer un suivi et plus tard des soins palliatifs à domicile, il faut une présence constante d’au moins une personne que, je l’ai compris, vous ne pouvez pas assurer. En vu du déménagement à cause des travaux à venir et compte tenu de l’évolution de sa maladie, il me semble en effet inévitable d’envisager tôt ou tard un placement en EMS et si jamais cela se précipitait à l’hôpital de Bellerive (ex CESCO).
Je suis désolée de devoir vous éclairer sur l’endroit où se trouve votre maman et je peux comprendre que ma manière de vous répondre est en un premier temps dure à avaler. Pourtant, je pense que tout cela vous a déjà effleuré, mais il est normal qu’on n’ait pas trop envie de le regarder en face et de l’affronter.
Pour vous y aider je peux vous proposer, à vous et votre frère, de nous rencontrer mercredi 28 mars lors de la permanence hebdomadaire d’Entrelacs le soir à 19h30. Nous pourrions regarder la situation tranquillement et réfléchir aux options qui se présentent à vous. Dites-moi si cette proposition vous convient.