Aller au contenu

Ma mère n’a jamais revu mon père décédé pendant le Covid-19

Question du  1er juillet 2020

Mes parents sont entrés en ehpad fin décembre 2019. J’étais épuisée et ne pouvais plus tout gérer (les consultations médicales, les courses, l’accompagnement quotidien) avec des parents présentants de gros problèmes de santé tant psychologiques (Anxiété, dépression), que moteur et début de démence pour tous les deux. 

Mon père est décédé pendant la période de confinement. Ma mère a énormément souffert de toute cette succession d’épreuves :

– dépression et crises angoisse de mon père depuis de nombreuses années

– séparation longue de mon père puisqu’il a été hospitalisé Mi-février

– Confinement pour ma mère,

– nombreuses chutes

– décès de mon père en mai, toujours hospitalisé Ma mère ne l’a jamais revu après son départ en hospitalisation en février…

Aujourd’hui, elle s’est considérablement «dégradée ». Sa démence s’est aggravée. Elle est triste, se sent mal aimée, se sent persécuté, responsable de tout.
Cette situation me désempare. Je ne sait plus comment réagir face à ses larmes, ses angoisses. J’ai l’impression d’être impuissante et de l’abandonner…

Comment réagir face à tout cela ?

Merci pour votre aide

Réponse de Lydia

Je trouve que votre mère a en effet vécu une succession de souffrances,  qui sont des dégâts collatéraux du confinement. Il me paraît d’abord grave que votre maman n’ait pas pu dire adieu à son vieux compagnon avant sa mort, et donc sa dégradation ne m’étonne pas du tout. C’est cruel de ne plus avoir pu le voir ni l’accompagner. Pour vous probablement aussi. 
Est-ce qu’elle a pu aller au moins aux funérailles?
La première chose que je vous suggère c’est de faire un rituel avec votre mère, une sorte de cérémonie d’adieu pour son mari, votre père.  Vous pouvez vous inspirez sur www.enviededirelamort.com . Ils ont proposé durant le confinement comment s’aider dans le deuil, vu que les cérémonies ont été réduites au minimum. J’ai aussi un bénévole qui se ferait un plaisir de vous aider gratuitement à réaliser un rituel qui fait sens pour vous et votre mère: Romain Muller romain.muller8@gmail.com
Une autre chose qui pourrait aider votre maman serait un objet comme un nounours, un doudou quelque chose de doux qu’elle peut porter avec elle, caresser, serrer dans les bras.  Ce n’est pas infantiliser votre mère, mais respecter sa régression mentale vers des âges d’enfant, de petite fille perdue et abandonnée. Il faut en convenir que vous êtes appelée à devenir mère de votre mère! D’ailleurs ce n’est pas vous qui l’abandonnez, mais son mari qui l’a « abandonné », en tout cas elle le vit comme ça. Vous connaissez l’objet transitionnel de la petite enfance? un chiffon, une poupée ou autre objet doux qui sert de consolation, de réconfort à l’enfant lorsqu’il se sent seul ou la mère n’est pas là. Il faut aussi comprendre que lorsque le mental se dégrade et l’ego de l’adulte se dissout, alors peuvent remonter des émotions refoulées, des traumatismes de la petite enfance en résonance avec ce qui se passe en ce moment. Votre mère est en train de ressentir des émotions extrêmement désagréables  et l’exprime par ses comportements pénibles et ses états d’âme. Lorsqu’elle pleure ou est angoissée, prenez-la dans les bras et bercez-la. J’espère que vous ne teniez pas compte de la distanciation sociale préconisée! Ce serait une aberration vu sa détresse.
Chantez lui des chansons d’enfant, des berceuses, peut-être celles qu’elle vous a chanté elle-même. Le souvenir des chansons est intact, même chez des personnes très atteintes d’Alzheimer. C’est une étonnante autre mémoire qui existe et qu’il est utile de raviver. Il est même prouvé que les chansons du temps de leur adolescence réveillent les consciences chez les gens avec des pertes cognitives graves. Recherchez quelle musique a été populaire lorsqu’elle était adolescente (peut-être Tino Rossi, Charles Trenet etc.). Vous pouvez les enregistrer et lui faire écouter avec une casque confortable.
Voilà les quelques suggestions qui me viennent en réponse à votre appel à l’aide. N’hésitez pas de revenir si vous avez besoin d’autres aides.