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Sa douleur lui donne une importance qu’elle n’aurait pas sans cela

Merci de m’avoir répondu sur ton site concernant la situation de la maman de Clément qui ne se remet pas de cette mort prématurée. Je l’ai rencontrée de nouveau. Le manque est physique dit-elle. Quand elle repasse, son linge lui manque etc.. Comme elle a fait des week-ends dans l’association Jonathan qui aide les parents dans ces moments de deuil. Elle a déja fait un week-end sur la lettre à écrire et à adresser à l’enfant mort, mais cela ne l’a pas apaisée. Je me demande si elle n’est pas dans la situation où sa douleur lui donne une importance qu’elle n’aurait pas sans cela?

Lydia répond:

C’est bien possible que cette femme trouve une identité forte dans la maman désenfantée qu’elle n’a pas eu auparavant. L’intensité quoique douloureuse, donne une importance certaine et le petit ego peut bien s’en nourrir. La douleur de la perte et du manque donne des sensations terriblement douloureuses, mais en même temps elles permettent de se sentir exister. Le risque est que l’attachement à cette douleur devienne avec le temps une manière figée d’exister. Ce sont des deuils compliqués, et surtout ce sont des choses que l’on ne peut absolument pas dire, cette maman se sentirait jugée et vous rejetterait comme ne comprenant rien. La « Mater dolorosa » peut durer des années voir toute une vie. Je crois qu’il faut un temps plus ou moins long pour arriver éventuellement à un ras le bol de souffrir et un besoin de revivre. 2 ans et demie de deuil n’est pas encore trop long. A un certain moment elle pourra peut-être aussi entendre que si son fils la voyait il ne serait certainement pas heureux de la voir si malheureuse. Peut-être si vous lui parliez des vagues douloureuses du deuil comme des contractions dans l’accouchement avec ses crampes émotionnelles, cela pourrait lui faire sens? Dans l’accouchement on sait qu’à un certain moment il y a des contractions expulsives et le bébé doit lâcher le ventre et la mère le foetus. Dans le deuil c’est le lâcher prise de l’attachement désespéré à l’être décédé et à la souffrance pour renaître à une nouvelle vie et à une toute autre présence de ce fils dans sa vie. Peut-être faudra-t-il aussi qu’elle réalise peu à peu combien elle reste accrochée au passé avec son fils disparu, au point de ne plus vraiment vivre aujourd’hui. Mais tout cela est très délicat. Comme on n’accélère pas un accouchement, aussi ne doit-on pas pousser une personne dans le deuil à avancer plus vite qu’elle ne peut.. Patience alors et essayez d’être à son écoute!