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Je n’arrive pas à accepter le cancer grave de mon père

Question du 1er octobre 2015

Je vis en Haute-Savoie et il y a deux mois on a diagnostiqué à mon papa de 76 ans un cancer très grave de l’oesophage, malheureusement déjà généralisé. Il habite à 9000km d’ici et j’ai pris cette nouvelle en pleine figure alors qu’il faisait des examens complémentaires pour une soi-disant « arthrose cervicale ». Depuis ce jour j’ai beaucoup de mal à réaliser mais aussi à accepter ce qui est en train de se passer. Je l’ai vu vieillir de plus de 10 ans en quelques semaines, j’ai beaucoup de mal à le reconnaître et je suis très choquée de l’avoir vu à ce point décliner si vite. Il se bat et je ne sais pas s’il réalise la gravité de son état puisque nous ne pouvons pas aborder en profondeur le problème de la maladie. Je ne sais même pas s’il est conscient de ce que le terme « métastases » par ci, métastases par là, implique.
Je me sens très seule avec toutes ces émotions qui s’entrechoquent à l’intérieur, et personne n’a vraiment envie d’écouter les états d’âme des proches qui sont eux aussi impactés par le cancer…. Tout ça se répercute sur mon comportement qui devient de plus en plus introverti et agressif. Je souffre énormément et je ne sais vers qui me tourner pour un peu de chaleur humaine, pouvez-vous m’aider ?

Réponse de Lydia :

Je vous remercie pour votre message si sincère. Vous avez raison, les proches sont très souvent submergés et seules avec leurs émotions. Combien vous aviez raison de demander de l’aide ! Je sens que vous aimez beaucoup votre papa et votre réaction émotionnelle très forte me fait penser que vous faites probablement partie de ces enfants qui croient ou espèrent quelque part que leurs parents vivront éternellement ! Et puis, un jour, ils se réveillent pour réaliser qu’ils sont aussi mortels et le monde s’écroule. Pour ma part je ne suis devenue vraiment adulte qu’à travers la fin de vie et la mort de ma mère.
Je pense que c’est la tâche des enfants d’accompagner leurs parents dans leur fin de vie, comme eux les ont accompagnés durant leur début de vie. Je vous souhaite, une fois dépassé la phase de choc, que vous saurez accompagner votre papa dans sa fin de vie. La maladie permet de se préparer à la mort, ce qu’un accident ou une crise cardiaque mortelle ne permettraient pas. Alors il va falloir profiter un maximum de votre père tant qu’il est encore parmi vous. Il s’agit de l’entourer d’amour, le lui dire combien il a compté pour vous, ce que vous avez appris de lui, le remercier… Je suis assez sûre qu’il se rend compte de ce qui se passe dans son corps. Il vit les diminutions physiquement et ce que vous voyez de l’extérieur, lui, il le vit dans ses cellules. Mais il est bien possible qu’il n’ose pas vous en parler, vu qu’il vous sent si effrayée. Les personnes gravement malades ont souvent la tendance à protéger leurs proches. Je crois, lorsque vous vous serez calmée un peu, il peut être bénéfique de parler avec lui de ce qu’il sait, sent, pense de son diagnostic de cancer. Comment voit-il la chose, ce qu’il espère et voudrait encore vivre? De toute façon, qu’est-ce que le médecin lui a dit? Votre maman vit encore et est allée avec lui? Vous écrivez qu’il vit à 9000 km ce qui serait en Amérique ou dans l’Orient, à moins qu’il s’agit d’une erreur de frappe…

Vous n’habitez pas trop loin de Genève : cela tombe bien, car je vais donner une conférence sur Apprivoiser la/sa mort. Peut-on se préparer à la mort sans déprimer? mardi 6 octobre à 20h à Genève, au Muséum d’Histoire Naturelle https://entrelacs.ch/conferences/. Je vous recommande aussi vivement mon livre « La fin de vie une aventure » un guide pour les personnes atteintes d’une maladie incurable et leurs proches, que vous pouvez d’ailleurs commander via le site https://entrelacs.ch/category/shop/livres/. Vous pouvez aussi me téléphoner ou demander un entretien lors de la permanence gratuite les mercredis de 18h30 à 21h au 0041 22 740 04 77.