Aller au contenu

J’ai toujours cette appréhension par rapport au mot « mort »

Je lis par petite touche votre livre : La fin de vie une aventure. Je précise par petite touche car j’ai toujours cette appréhension avant de l’ouvrir par rapport au mot mort. J’en déduis que ça me fait beaucoup plus peur que je voulais me l’avouer. Voilà pourquoi, j’ai une sacré appréhension avant d’aller voir mon Papa. Votre livre est très riche d’enseignements et il est très beau. Il y a de nombreuses choses qui me parlent. J’aimerai pouvoir dire : Je t’aime à mon Papa, avant qu’il parte. Pensez-vous qu’avec son Alzheimer, il va comprendre quelque chose? J’avoue que ça m’arrangerait si vous me répondiez non car j’ai la trouille de sa réaction, dans ma famille tout ça, c’est tabou. Hier, je suis allée le voir et je lui ai dit : Bonjour Papa, il m’a regardée sans un mot j’avais le sentiment d’entendre : De quoi tu me parles ? Lorsque Maman a cru mourir de son cancer, je voulais absolument lui dire je t’aime avant qu’elle parte. Je me suis forcée et j’étais très contente de l’avoir fait et là elle m’a dit : Tu as du beaucoup souffrir car je ne me suis jamais occupée de toi, je n’étais jamais bien. Ce que j’ai toujours su, mais je ne voulais plus toucher à cette blessure que j’ai vécu comme un abandon qui m’a fait tant souffrir. Je ne l’ai pas laissée s’exprimer. Je lui ai dit égoïstement que c’était du passé. Je ne savais pas que c’était si important pour une fin de vie de se confier. Si elle recommence, cette fois, je vais l’écouter.

Réponse de Lydia

Si vous êtes arrivée avec votre maman, pourquoi ne réussiriez-vous pas avec votre papa ? Bien sûr, je ne peux pas affirmer qu’il comprendra vos mots, mais en tout cas je sais que même atteint d’Alzheimer, votre papa ressent des sensations et émotions, il vous ressent, même s’il ne peut plus l’exprimer. Ne lui prêtez surtout pas des mots issus de votre mental, comme « de quoi tu me parles ? ». C’est votre gêne qui parle et non pas la sienne ! Il vous regarde, alors n’évitez pas son regard, prenez ses mains et plongez dans ses yeux à sa rencontre. Une rencontre touchante peut avoir lieu au-delà des mots. Lors de la perte du mental, la personne perd son fonctionnement et ses réactions habituels, elle perd son ego. Dès lors, les convenances sociales et le carcan des tabous disparaissent. Ma mère, après avoir « perdu la tête », m’a parlé du sexe et de sexualité, mots qu’elle n’avait jamais pu prononcer auparavant, tant ils étaient sales. La démence, en dissolvant l’interdit, les rendait possibles et libératrices. C’est moi qui a dû m’accrocher ! Avec votre maman vous avez vu que votre « je t’aime » l’a incitée à la confidence, voire à la confession. Elle avait besoin d’être vraie avec vous et admettre son imperfection que vous n’avez pas pu accueillir à l’époque, tant vous n’aviez pas encore accueilli vous-même votre souffrance d’abandon. Lorsque nous sommes vrais nous permettons aux autres aussi d’être vrais. Je dirais même que la fin de vie est la période par excellence qui invite à être vraie à cause de la conscience de la proximité de la fin et l’émergence de l’essentiel.
J’ai quand même une question à vous poser : vous dites d’avoir terriblement peur du mot mort. Pourquoi est-il si terrible ? Que craignez-vous vraiment en lisant ou entendant ce mot ? Essayez de nommer tout ce que ça dit et ressent en vous, afin de commencer à l’apprivoiser.
Continuer votre démarche courageuse qui est tout en votre honneur !