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Il n’y a eu personne pour nous soutenir

Ma maman est morte de la SLA bulbaire. J’ai 37 ans et suis maman de 3 enfants. J’ai soigné et donné tous les soins à ma belle mère, ma maman de cœur qui a vécu chez moi les 8 derniers mois de sa vie. Je l’ai aimée, soignée et vu mourir sans pouvoir rien faire le 25 avril 2006 a 8h30 du matin après 1 jour de coma. Depuis je n’arrive plus à avancer dans la vie et n’arrive pas a recommencer à vivre comme elle le voulait. Elle m’a demandé d’être là pour son fils et nos enfants car elle croyait que je serais la plus forte face à son départ et aux ennuis que nous faisait ma belle sœur (qui ne s’est occupée d’elle). A l’annonce de son départ j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps et j’ai du appréhender la famille en faisant tout ce que voulait maman pour son enterrement. Il n’y a eu personne pour nous soutenir que ce soit pendant sa maladie et après son décès. Seul un couple d’amis qui ne connaissaient personnellement pas maman étaient là et sont toujours là pour nous soutenir. Nous n’avons plus beaucoup de contact avec ma famille et avec celle de mon mari plus rien. Je n’arrive pas à faire mon deuil comme on dit et il y a un tel vide dans nos vies. Déjà 4 ans qu’elle n’est plus là, toutes ces fêtes, ces anniversaires et moments de bonheurs et de joies sans elle à nos cotés. Personne ne peut comprendre notre détresse et notre peine au cœur. J’essaye de penser à tous nos moments de bonheur passés ensemble mais je n’arrive à sortir de ma tête les moments durs supportés dû à sa maladie comme son coma, son dernier regard de douleur et de peur dans les urgences, son dernier souffle, ses larmes avant de mourir et tout le reste. Mon cœur est blessé à vie, j’ai une telle peine au fond de mon cœur. Je l’aimais tellement et l’aimerais toute ma vie. Je n’ai personne à qui parler de tout cela. Mon mari et mes enfants ont déjà leur peine et je ne veux pas embêter avec cela. Les autres m’ont assez fait comprendre que je devais la laisser partir en paix et de revivre. Mais ils n’ont pas vécu tout cela. Je tente pour ce qui me reste, ma famille, mon homme et mes 3 enfants que j’aime tant. Merci de m’avoir écoutée. J’espère que maman est heureuse maintenant près de papa.

Lydia répond:

Votre souffrance me touche, car vous exprimez beaucoup de solitude. Votre situation familiale semble très compliquée ce qui rajoute à votre souffrance, car dans le deuil nous avons besoin de nous épauler mutuellement. Cette chaleur dans une tristesse partagée permet d’avancer. Vous avez beaucoup aimé cette belle-maman que vous appelez maman et je devine qu’elle est devenue un peu votre maman. D’abord je voudrais vous dire quelque chose concernant les images qui vous hantent, celles aux urgences et de sa toute fin. L’angoisse d’étouffer suscitée par sa maladie liés à la paralysie musculaire est encore augmentée quand on se sent dans un espace étranger, parce qu’à la fin ce dont un mourant a besoin surtout est d’être entourée de calme, de chaleur et de paix. Les urgences ne correspondent pas vraiment à cela. Par contre, le coma a dû être une évasion qui la soulageait. A ce moment la conscience est déjà ailleurs et n’est plus tellement liée à la souffrance du corps. Cependant la personne mourante sent l’atmosphère émotionnelle qui l’entoure. Et le déchirement et l’affliction des proches lui sont particulièrement douloureux, car elle sent tout sans pouvoir plus rien dire. Nous ne pouvons qu’interpréter ses manifestations, mais il faut faire attention de ne pas projeter nos propres états d’âme sur le mourant. Ma mère aussi avait quelques larmes qui coulaient juste avant son expir, mais je ne les ai pas ressenties comme de la tristesse, mais plutôt qu’elle était touchée d’amour en lâchant prise. Je pense ce qui vous a traumatisé était votre impuissance de pouvoir la soulager. C’est une tâche particulièrement ardue autant pour le mourant que les proches d’accepter l’impuissance et de faire confiance au processus. Je crois d’ailleurs aussi que le mourant reçoit de l’aide « de l’autre côté ». Si je peux me permettre de vous dire quelque chose concernant le deuil, ce serait ceci : Vous avez beaucoup aimé cette belle-maman. Par amour pour elle : relevez-vous et ne lui faites pas plus de peine ! Par des récits de survivants d’une NDE (expérience de mort imminente lors d’une mort clinique) nous savons que ceux qui nous ont précédés sont au courant de notre vie sur terre, ils peuvent nous voir vivre. Donc pour elle, en son honneur reprenez votre vie, afin qu’elle soit fière de vous. Elle a cru en vous, ne déméritez pas sa confiance ! Pensez à elle comme si elle pouvait vous voir et que cette pensée vous donne de la force. Honorer un mourant est très important, surtout si on a reçu beaucoup d’amour de lui. Reprenez le flambeau de votre belle-maman, vous avez à incarner ce que vous avez reçu d’elle et à redonner plus loin ! Si elle a été votre soleil d’amour, devenez ce soleil qui chauffera d’autres. Ainsi votre belle-maman continuera à vivre à travers vous. Vous la rendrez vivante le reste de votre vie.