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Elle ne parle quasiment plus que de souvenirs factuels et d’ennuis de santé

Je voulais vous dire combien le WE « Devenir parents de nos parents » de décembre est bien tombé dans l’accompagnement de Maman et combien il m’a apporté ! Alors quelques nouvelles : Maman a vraiment baissé depuis son opération. Elle est toujours en forme physiquement (malgré ses ennuis relativement minimes sauf pour elle), mais elle ne s’intéresse plus à tout ce qui la faisait vivre avant : conférences, bouquins, visites, etc. Elle est très accaparée par ses ennuis de santé. Elle parle beaucoup du passé, sa mémoire proche n’est plus bonne. Elle confond les jours, les heures. Elle est étrangement docile, ce qui m’inquiète un peu (ça change tellement !). C’est comme si elle n’avait plus grande résistance (sauf par rapport aux médecins parfois J). Elle a déposé sa voiture et son permis de conduire il y a deux semaines, je l’ai accompagnée pour arriver à ce résultat. Elle n’en est pas malheureuse : elle prend les transports publics quand elle en a besoin, sinon nous sommes là. J’essaie de prendre ma « juste » place, et de faire avec les réactions de certains de mes frères et sœurs ! C’est vrai que c’est pas si simple de devenir parent de ses parents (et peut-être encore moins quand on a appris à nos dépens que Maman avait toujours raison !). Question « médicale » : Je l’ai accompagnée lors de ses visites médicales, car elle est devenue confuse. Je crois que ça la rassure. Même si, mercredi dernier elle n’a pas trop apprécié que je demande à parler seule au docteur. J’en ai profité pour lui dire que désormais il devrait nous contacter avant de prendre des décisions importantes. Il avait aussi constaté qu’elle avait « baissé » et a sorti le rapport du gériatre qui, en décembre 2007, avait proposé de lui poser un badge d’Excelon puisqu’il avait constaté les premiers signes de troubles type Alzheimer. Ma question : est-ce que vous connaissez ce médicament ? Est-ce qu’on pourrait l’envisager pour qu’elle puisse rester plus longtemps chez elle ? Question personnelle : On a un très bon rapport, on a passé des moments de tendresse et de complicité : cadeau. Mais je me trouve face à un obstacle que j’ai de la peine à passer. Elle ne parle quasiment plus que de souvenirs factuels et de ses ennuis de santé, ses RDV chez les médecins, etc. J’aimerais pouvoir lui dire que face à ça, j’ai de la peine à échanger avec elle sur des sujets essentiels à mes yeux. Que j’aurais envie qu’elle me parle d’elle, de moi, de Papa. Est-ce juste, puis-je le faire comme ça ? Certes, en arrière fond il y a aussi l’idée de l’aider à faire un bilan de sa vie, de l’aider à régler les tâches non accomplies. Mais ça ce n’est peut-être pas à moi de le faire. Voilà, je vous remercie de m’avoir lue.

Lydia répond:

Je vois que ça évolue très rapidement. Il me semble normal que votre mère se fixe sur son corps, c’est un signe que son monde se rétrécit. En perdant l’intérêt pour le monde extérieur des conférences, livres etc., le monde de son corps, plus proche d’elle, a passé au premier plan. Tout ne tourne plus qu’autour de lui et de ses bobos et pertes, si insupportables. La docilité fait partie de l’étape de confusion spatio-temporelle. Il n’y a rien d’inquiétant à cela. Qu’elle se laisse faire rend quand même les choses plus faciles que si elle s’opposait à tout! Qu’elle ait accepté de déposer sa voiture et son permis est une manifestation de cette docilité, mais je suis sidérée par la superrapidité avec laquelle elle l’a accepté, surtout quand je pense combien elle y était encore accrochée en décembre!!! Vous l’avez vraiment bien accompagnée! J’éviterais de l’exclure d’une discussion avec le médecin. Si vous avez besoin de lui parler seul, téléphonez lui plutôt depuis chez vous. Mais il me semble juste de vous inclure dans les décisions médicales. Excelon est supposé agir sur la production acétylcholine, substance importante pour la mémoire, et il devrait ralentir un peu le processus de destruction des cellules nerveuses. Son action est peut-être assez restreinte, en tout cas dans la durée, mais je pense qu’il ne va pas lui nuire. Qu’elle est beaucoup tournée vers le passé, devrait plutôt faciliter des thèmes du passée comme votre père, vous petite fille, etc. Elle va peut-être passer du coq à l’âne, mais, si vous vous montrez intéressée, je pense qu’elle se livrera assez volontiers. J’ai vu s’ouvrir – en perdant le contrôle social – des mamans pourtant totalement coincées durant leur vie. Il va falloir la suivre plus que mener la conversation. Ce qu’elle ressent est la chaleur de votre attention. En tout cas, évitez de lui dire qu’elle parle trop de ses bobos. Elle va ressentir cela comme une critique et pensera (pas sans tort) que vous n’avez rien compris à sa souffrance… et puis elle vous rejettera. Elle ne peut pas faire autrement que de tourner autour d’elle-même, à commencer par ses bobos. Avez-vous lu « la Validation, mode d’emploi », de Naomi Feil? Cela aide à la compréhension et à la compassion.