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Elle a envie qu’on lui foute la paix et rester dans son fauteuil

Je sens quelque fois un poids que je voudrais alléger par rapport à tout ce que je vis: La neurologue conseille que maman (80 ans) se socialise 1 fois par semaine dans un centre de jour; je suis donc en recherche de cela, j’ai déjà passé beaucoup de coups de fil, ça avance. Mais, comment le lui faire accepter, car elle dit toujours « je n’ai pas envie »? En fait, elle a envie qu’on lui foute la paix et rester dans son fauteuil, mais alors la maladie peut s’accentuer plus rapidement. D’après la neurologue, il faut le lui imposer: lui dire « c’est tel jour que tu y vas »! Que pensez-vous de cette méthode et comment pourrais-je y parvenir?

Lydia répond:

Je comprends bien le poids que vous sentez actuellement, pas facile à supporter. Je ne suis pas partisane des méthodes coercitives comme celles que certains parents peuvent utiliser envers leurs enfants. Il ne faut pas oublier que votre mère est une femme adulte et de la traiter comme un enfant fait partie de cette dévalorisation de la vieillesse que beaucoup d’aînés subissent actuellement. Mais de l’autre côté il arrive qu’une personne soit un peu butée et ne veuille même pas essayer, juste pour s’opposer. Je vois que vous vous trouvez entre chèvre et choux! Ce que vous pouvez faire est de mettre tout votre poids affectif dans votre demande à elle d’essayer au moins 2 ou 3 fois, voire de le faire pour vous, et de faire un bilan après. Et vous lui promettez, si ça ne va vraiment pas, d’arrêter alors. Cet accord serait aussi à négocier avec le centre du jour. Si elle refuse cette proposition, ce qui est son droit, il faudrait qu’elle accepte alors une possible aggravation de sa maladie. Si elle a encore toute sa tête, elle pourra vous répondre à cela, et dire ce qu’elle en pense. Ce serait d’ailleurs l’occasion de parler avec votre mère de sa fin de vie, de la mort et comment elle imagine ou désire tout cela. Il se peut qu’elle ait plus envie de mourir que de prolonger sa vie…

Lors des maladies en fin de vie toute personne a le droit de renoncer à des traitements qu’elle considère comme de l’acharnement thérapeutique et qu’elle estime ne plus vouloir s’imposer. (Il existe même une démarche qui s’appelle « les directives anticipées » qui permettent de mettre noir sur blanc ce que la personne veut ou ne veut pas en fin de vie dans le cas où elle ne serait plus en mesure de répondre elle-même) Or, le médecin de son côté qui prescrit un traitement n’a jamais l’impression de s’acharner, car il a l’intention d’apporter à la personne un mieux. Votre neurologue a certainement aussi des bonnes intentions, mais il faut aussi dire, elle ne vit pas dans la peau de votre maman! A part cela, je suis personnellement de l’avis que les personnes âgées ont le droit de rester dans leur tranquillité et intériorisation, ou comme vous dites « qu’on leur foute la paix ». Je trouve parfois inadéquat d’imposer tant d’activités aux personnes âgées, de les stimuler à tout prix, d’autant plus s’ils n’en ont pas ou plus envie. La vieillesse est pour moi un temps de recul et de bilan. Je ne vois pas d’inconvénient non plus à ce qu’une maladie s’accentue et précipite vers la mort, car je ne vois pas la mort comme un échec à fuir.

Mais c’est un signe de notre temps de vouloir aller contre la mort et de prolonger la fin de vie à tout prix. Je vous signale aussi que j’organise un nouveau séminaire « Devenir parents de nos parents » du 1-3 mai 09. C’est loin, mais c’est une démarche très aidante pour les enfants soucieux de leurs parents vieillissants. Vous trouvez les détails sur le site www.entrelacs.ch Je vous souhaite de trouver la voie juste aux côtés de votre maman.