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Droit à un congé d’accompagnement pour une fin de vie?

Je souhaiterai, si possible, avoir des renseignements. Mon père travaille pour une société SUISSE (chauffeur routier) il est français et réside en France avec ma mère. Ma mère est en fin de vie (CANCER). Je souhaiterai savoir si en SUISSE il existe un « congés d’accompagnement » que mon père pourrait prendre pour l’accompagner dans les jours à venir, sans perdre son emploi ? D’avance je vous remercie de votre retour.

Réponse de Lydia:

Je me suis renseignée et il n’existe pas de droit à un congé d’accompagnement pour une fin de vie, seulement après le décès quelques jours, généralement entre trois jours et une semaine. Je vous conseille, ou plutôt à votre papa, de parler honnêtement avec son patron et de lui demander s’il peut prendre un congé pour accompagner sa femme jusqu’au bout. Il est possible qu’il prenne soit un congé non payé soit un congé sur ses vacances si le patron n’est pas d’accord d’assurer le salaire pendant son absence, ce qui est probable. Mais on ne sait jamais, aussi les patrons ont un coeur… Si tout cela n’est pas possible, au moins qu’il puisse effectuer des déplacements routiers pas trop loin lui permettant de rentrer à la maison ou d’aller à l’hôpital une fois par jour. J’ai été touchée par votre demande, car perdre sa maman ou son épouse est une expérience unique et douloureuse. Rester proche jusqu’au bout en échangeant encore un maximum et partageant l’amour que vous avez l’une pour l’autre, me semble la meilleure façon d’accompagner votre maman. Demandez-vous ce que vous devriez faire pour ne rien regretter une fois qu’elle sera partie. N’hésitez pas de revenir me poser des questions ou de téléphoner à la permanence téléphonique 0041 22 740 04 77 le mercredi soir de 18h30 à 21h.

Le 8 juin: Suite de l’échange

Je vous remercie très sincèrement pour vos recherches. Mon père a tout expliqué à son employeur, nous attendons encore une réponse. J’essaie au maximum de rester proche d’elle et de tout assumer mais cela devient très compliqué, voilà déjà 3 mois que nos vies sont entre parenthèses. J’ai un enfant et un mari qui me soutiennent, mais c’est très difficile tout de même pour moi tant moralement que psychologiquement. Ma mère ne sait pas « officiellement » qu’elle est condamnée mais je pense qu’elle s’en doute, de plus, son état psychologique et moral sont très compliqués à gérer. (Crises permanentes, toujours dans le noir, le négatif… même si il y a quelqu’un avec elle il en faut encore plus…) Je ne sais plus quoi faire pour bien faire car rien n’est jamais suffisant. En tout cas merci encore une fois pour votre aide, ca fait du bien de se sentir un peu épauler…

Réponse de Lydia

Même si je n’ai pas bien compris de quel type de « crise » il s’agit chez votre mère, je soupçonne qu’elles sont en lien avec l’ignorance officielle sur son réel état de santé. Elle a peur dans le noir, la nuit… le sommeil la nuit s’appelle aussi la petite mort et se réfère à la grande mort. Des états émotionnels difficiles voire confusionnels sont fréquents lorsqu’il y a manque de clarté ou mensonge concernant où en est le malade. Pourtant je pense comme vous que votre maman devine, car elle vit son état dans son corps qui va mal. Vous serait-il possible d’aborder ce thème sincèrement avec elle ? Sinon demandez à votre médecin (à mon sens c’est sa tâche) ou bien à une soignante qui intervient auprès de votre maman d’aborder la réalité de son état avec douceur en l’informant que les proches sont au courant. Après, ce sera plus simple pour vous d’être en relation. Il est aussi possible de demander un-e bénévole chez Jalmalv, une importante association d’accompagnement en France www.jalmalv.fr . Parfois l’intervention d’une personne extérieure permet d’apaiser les tensions. Si votre maman ne réside pas trop loin de la frontière (j’habite près de Bellegarde 01) je pourrais aussi lui rendre visite.

Le 12 juin 2012: Suite de l’échange

Tout d’abord merci pour votre soutien qui est précieux. L’ensemble de ma famille a du mal à être entendu concernant l’état de santé de ma mère. En effet il y a deux aspects, l’état psychologique et bien entendu physique. Les « crises » sont en effet redondantes. Par moment, et ca devient de plus en plus fréquent, j’ai l’impression que ce n’est plus ma mère je ne la reconnait plus. Peut être aussi est ce de ma « faute » car je prend beaucoup de charges la concernant, et de ce fait, je n’ai plus le rôle d’un enfant, mais d’un soignant, d’un accompagnant « à la mort »… Je me pose beaucoup de questions. Son angoisse survient souvent le soir puis toute la nuit, elle m’a fait part qu’elle avait peur de s’endormir, peur de mourir. En ce qui concerne les crises, sa très mauvaise humeur, le fait qu’elle ne supporte plus rien ni personne c’est la journée. Rare sont les moments où elle est calme. Je vais essayer de prendre contact avec « jalmalv ». Aujourd’hui elle est à l’hôpital pour une séance de chimio hebdomadaire, l’équipe médicale va lui proposer d’obtenir une aide telle que l’équipe mobile de soins palliatifs qui se déplacera chez elle. C’est une équipe de soignants pluridisciplinaire. J’espère qu’elle va l’accepter et que cela pourra l’aider et nous aider également car cette situation devient invivable vraiment.

Réponse de Lydia

Je pense que l’option de l’équipe mobile des soins palliatifs à domicile est une excellente chose. Ce sera important pour ne pas vous épuiser au chevet de votre mère. Il faut bien tenir compte de vos limites. Le phénomène de ne plus reconnaître son proche est très fréquent en fin de vie. Cela s’appelle « deuil blanc », lorsqu’on perd avant sa mort le proche tel qu’on le connaissait. Il est certain que votre maman est terrorisée devant la mort. Comme cette angoisse lui « bouffe » ses nuits, son humeur est exécrable le matin et elle décharge la tension sur vous qui endurez les conséquences de l’épouvante nocturne. Il devient à mon sens urgent d’écouter ses peurs de la mort. De quel ordre sont-elles ? Peur de l’inconnu ? Peur de vous quitter ou d’abandonner quelqu’un ? Peur de ne pas avoir accompli certains projets ou rêves ? Peur d’avoir des contentieux dont elle ne sait pas quoi faire avant de mourir ? des regrets ? … Il s’agit de faire parler ses peurs, car avoir peur de la mort n’est qu’un titre. Je vous joins un document écrit par une infirmière et ses observations. Pour ma part je parle volontiers de la mourance comme l’inverse de la naissance. J’ai écrit un article là-dessus sur le parallèle entre la naissance et la fin de vie comme deux processus semblables et inversées. Parler des expériences de mort imminente a aussi été souvent apaisant. Je vous souhaite que vous trouviez l’aide nécessaire pour apaiser les tensions de votre mère et prenez aussi soin de vous.

Message final du 19.2.2013

Avec beaucoup de temps écoulé, je reviens vers vous. Vous avez dû vous douter, n’ayant plus de mes nouvelles, que ma Maman était partie. Son âme s’est éteinte le Vendredi 13 Juillet 2012 à 21h30. La fin de sa vie a été horrible et douce en même temps. En tout cas avec le recul de 7 mois c’est ce que je ressent. Maman a fini par être hospitalisée, son état a nécessité une prise en charge permanente par une équipe de soignants, tout s’est compliqué et enchainé 10 jours avant son départ. Ca a été très très dur pour nous, j’ai cohabité avec elle à l’hopital, j’y « dormais », mangais, lui tenais compagnie… Je ne voulais rien raté. Et je suis extrêment contente de l’avoir fait. Une fois partie, Maman était magnifique (ça peut sembler très étrange – mais elle était belle) la maladie avait quitté son corps. Je ne me souvenais pas qu’elle ait été si belle …. Nous l’avons « préparé » mes soeurs, mon beau père et moi même, nous avons passé la nuit entière à ses côtés en se remémorant beaucoup de moments passés ensemble, dans les rires et les larmes… Je tenais encore une fois à vous remercier de votre aide et votre écoute si respectueuse. Vous m’avez aidé et je vous en suis reconnaissante. L’humain est un bel être si il sait se servir de ses acquis pour les offrir à autrui. Merci encore.