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Deuil (blanc) de mon Papa atteint de la maladie d’Alzheimer

Comment réussir à faire le deuil (blanc) de mon Papa atteint de la maladie d’Alzheimer avec un stade de démence très sévère. Je me suis occupée de lui avec Maman pendant 6 ans. J’ai fui ma peine dans l’hyperactivité pour ne pas sentir ma souffrance. Mais là, je suis rattrapée par mon chagrin. Qu’est ce qui est le plus douloureux, le avant ou le après le décès ? J’en suis arrivée égoïstement à penser : Il vaut mieux qu’il meure avant qu’il aille jusqu’à l’usure car j’ai déjà vu une personne que j’ai connu atteinte de cette maladie. Lors d’une visite d’une maison de retraite, j’ai demandé où était cette dame à la personne qui nous faisait visiter l’établissement et elle était juste devant moi. j’ai été très choquée par la différence. C’était insoutenable pour moi car j’ai aussitôt fait un transfert sur mon Papa qui a la même maladie. Est ce que les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer souffrent moralement ? Selon le stade, ils ne peuvent pas s’exprimer. Comment savoir s’ils ont mal quelque part ou qu’ils sont tristes. Je me sens coupable d’espacer mes visites pour me protéger de cette douleur de séparation de mon Papa d’avant. Je vois un étranger devant moi avec le corps de Papa et ça me fait très mal. J’ai le sentiment de l’abandonner. Et en même temps, je me dis que j’ai un mari, des enfants, je ne peux pas passer mes journées à pleurer. Donc, je mets une distance volontairement car je n’ai pas la force d’y aller. Comment gérer ce deuil blanc au mieux ? MERCI beaucoup pour votre soutient.

Réponse de Lydia :

Je suis très touchée par votre peine. Je peux vous tranquilliser quant à votre question s’il souffre de sa maladie. S’il est à un stade très avancé, il n’a plus conscience de ce qui lui arrive. La souffrance est intense généralement au début de la maladie, lorsque la personne se rend compte de ses défaillances. Si votre papa souffrait, il le montrerait visiblement car les personnes même démentes peuvent encore exprimer leur souffrance. Par contre, je pense qu’il ressent très finement ce qui l’entoure et notamment ceux qui s’occupent de lui, donc possiblement aussi vous et votre souffrance. Pour cette raison, je ne considère pas comme un problème que vous vous protégiez en prenant de la distance. Il se peut bien que vous le protégiez lui aussi! Je comprends tout à fait cette nécessité pour votre équilibre psychique et il est vrai que vous avez aussi à maintenir une vie de famille en dehors de votre père. Je pense qu’il est une erreur de superposer votre père à cette femme que vous avez rencontrée. On ne sait jamais comment les malades vont finir. Votre père terminera sa trajectoire à sa manière. Il se peut aussi que votre père meure bien avant. Par contre, il est essentiel que vous puissiez sortir de votre souffrance. Lorsque ma mère ne m’a plus reconnue, je me suis aussi effondrée. Le pire était – au moins dans un premier temps – que je n’existais plus pour elle. Je n’existais plus tout court ! Mais en fait, ce qui m’avait touché encore plus était qu’elle n’allait plus jamais changer et devenir la mère que j’espérais depuis petite. Vous savez, nous ne souffrons pas pour l’autre, mais toujours pour nous-mêmes. Donc, posez-vous la question: de quoi je souffre vraiment? Le deuil blanc signifie bien que nous avons perdu la personne de son vivant déjà. Quelle est votre perte centrale, celle que vous devrez accepter pour pouvoir avancer ? Si c’est la perte de l’amour de votre père, de ce qu’il a donné ou fait pour vous, c’est l’heure de le remercier dans votre cœur, voire directement, même s’il ne comprend plus ce que vous lui dites – il entendra la musique de votre voix. Si vous souffrez de l’espoir effondré d’être enfin reconnue ou aimée, le deuil consiste à accepter le fait que vous devrez maintenant trouver cette reconnaissance ou cet amour en vous-même. Une fois cette perte acceptée, vous n’aurez plus mal et vous supporterez à rester auprès de votre père, tournée vers lui avec toute votre présence et attention sans déprimer. Et qui sait ce qui pourra se passer à ce moment encore? Mon acceptation de la démence de ma mère m’a permis de l’aimer comme elle était et de la découvrir sous un tout nouveau jour. C’est ce que je vous souhaite aussi ! Si vous n’arrivez pas à cheminer toute seule dans votre deuil, il est nécessaire de trouver une personne compétente (psychothérapeute du deuil, ami, aumônier, médecin …) pour vous aider.

Je vous signale aussi, si vous habitez dans la région genevoise, que j’organise un groupe de parole continue dès le 16 octobre pour tous les fils et filles de parents vieillissant mal.