Aller au contenu

C’est bien la mort qui est notre ultime initiateur à l’humilité

Je viens régulièrement en Suisse pour voir mon Beau Frère en Soins Palliatifs à Lausanne. Je trouve qu’il est très très bien soigné, avec beaucoup de gentillesse et d’humanité, mais les médecins sont surpris qu’il soit toujours en vie alors qu’il est totalement grabataire, aveugle, et pratiquement incapable de parler, suite à une tumeur cérébrale qui a atteint la moitié de son cerveau au moins. Je suis néanmoins surprise que personne n’investigue une éventuelle raison à rester en vie dans un tel état, et ma sœur et ses enfants ne sont pas aptes à lui parler dans ce sens.
J’aimerais donc lire votre livre avant de le revoir, et ainsi peut être l’aider à lâcher prise, ou aider son entourage à le lâcher: j’ai déjà fait fort avancer les choses pour qu’on arrête l’acharnement thérapeutique, pour qu’il ne souffre pas physiquement, mais il faut passer à l’étape suivante et visiblement rien n’est fait dans ce sens: j’aimerais donc pouvoir l’aider.
Je viens d’écouter votre conférence de présentation de votre livre qui m’a beaucoup touchée. J’ai déjà lu Bernard Montaud, et suis pour le moment des cours sur l’Empreinte de naissance avec Jean Philippe Brébion, le créateur de la Bioanalogie, qui a connu je pense Gitta.
Je sais que mon Beau Frère est encore très en colère sur ses deux parents, tous les deux décédés: j’aimerais tellement qu’il puisse les entrevoir de l’autre côté pour s’apaiser, mais ne vois pas comment rendre cela possible. Peut être est ce cela qu’il attend pour oser lâcher: cela viendra t’il s’il reste dans cette colère?
J’observe qu’il mange toujours et avec plaisir: donc il vit encore de l’attachement: (il est à six mois de son diagnostic, et à 3 mois où on lui a dit qu’on ne pouvait plus rien pour lui: peut être est ce encore trop court pour quitter les attachements).
Je vais tenter de savoir par ma sœur comment fut sa propre naissance, et s’il y a encore dans sa vie des personnes avec qui il ne s’est pas réconcilié (outre ses parents décédés) et qu’il serait bon d’inviter à son chevet, même si il a dit, quand il savait encore parler, qu’il ne voulait aucune visite sauf ses proches de famille. Je comprends en vous écoutant qu’il s’agit là d’un message de l’égo: c’est bien la mort qui est notre ultime initiateur à l’humilité.

Réponse de Lydia

Votre beau-frère mange toujours avec plaisir. Oui, il est encore tourné vers ce monde qu’il n’arrive pas encore à quitter. Il a toujours besoin de déguster. Quand on ne voit plus, les goûts s’exacerbent. Pourquoi ne pas lui accorder ce besoin de s’accrocher ? Que lui faut-il pour pouvoir lâcher ? Globalement, je dirais que le mourant a encore besoin de résoudre une histoire inachevée. Donc il ne peut pas lâcher.
Je vous ai écrit dans ma dédicace qu’il est essentiel de prendre le mourant à l’endroit où il est. Bien sûr la colère est un point de blocage, mais derrière la colère se cache une profonde souffrance de l’enfant qui a été blessé par une certaine inconscience parentale, certainement par un manque d’amour. Peut-être fait-il même un lien entre sa maladie et cette blessure ? Vous, reconnaissez cet enfant blessé qui a encore mal. Toute victime a besoin d’être reconnue comme victime, ce qui apaisera sa colère. Et il pourra la lâcher. Quand le mourant n’a pas accès à l’amour, il a besoin d’être entouré de personnes qui l’aiment inconditionnellement. Je ne vois que vous à cette place. Votre amour peut l’aider à ouvrir ses yeux pour percevoir l’Amour de l’autre côté.

Suite le 27 octobre de la Question du 25 octobre

Je partage tout à fait vos propos. Toute sa vie il a lutté pour ne pas rencontrer ses souffrances: j’ai souvent parlé avec lui de cela avant sa maladie, lors d’une autre maladie, l’alcoolisme: mais je ne voyais rien évoluer dans cette réflexion, du moins pour ce que je pouvais en percevoir car c’est un homme qui ne communiquait pas. Je vais néanmoins tenter d’encore me positionner comme vous me le proposez. Je suis très consciente de l’enfant blessé en lui ce qui me permet d’être dans beaucoup d’amour avec lui: je vais poursuivre, espérant effectivement que cela lui fera entrevoir l’Amour de l’autre côté. Je me suis demandée: ne s’accroche t’il pas ici car ENFIN il reçoit réellement de l’amour, alors que dans sa vie, de par son alcoolisme qu’il ne voulait pas soigner, il recevait beaucoup de rejet? Et n’est il pas occupé à savourer tout cet amour? Mais de cette manière ne sommes nous pas occupés à le retenir, et sommes nous certains qu’il verra réellement l’Amour de l’autre côté pour oser lâcher?

Réponse de Lydia:

J’y ai pensé qu’il s’accroche pour goûter enfin à tout ce que la vie lui offre de bon, que ce soit la nourriture (qu’il goûte enfin depuis sa sortie de l’anesthésie des sens par l’alcoolisme), soit tout le caring et amour qu’il reçoit à l’hôpital et des siens, lui qui finalement n’est plus grande chose sur le plan terrestre. Oui, il goûte à l’inconditionnalité de l’amour dont il se nourrit ici pour pouvoir lâcher. Je décris dans mon livre le cas semblable d’un sidéen qui le formulait même : « pour une fois qu’on m’aime… ». Non, vous n’êtes pas en train de le retenir, mais vous lui permettez de pouvoir s’apaiser et, à un moment donné, repu, de lâcher ayant engrangé suffisamment pour s’ouvrir à l’autre côté. Le « quand » ne vous appartient pas.