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Ce que vous vivez avec tant de chagrin s’appelle le deuil blanc

D’abord un grand MERCI de prendre le temps de me lire et de me répondre, ça me touche beaucoup. C’est sûr que ma gêne est énorme de parler à mon Papa avec sincérité parce que je n’ai pas de réaction en face, pas de réponse alors ça me déstabilise énormément. Ma déception et ma souffrance de ne plus pouvoir communiquer avec lui me fait tellement mal que je refoule mon chagrin et je me tais. Plus un seul mot ne sort. j’ai assez à verrouiller mes larmes. De plus, je fonctionne comme une éponge, l’approche de la mort de mon Papa, je la vis comme si c’était la mienne. En réalité, ce n’est pas la mort en elle même qui me fait si peur car si j’ai bien compris, si ça ressemble à mes propres contractions lors des accouchements….. Comme 2 de mes 3 accouchements se sont relativement bien passés mis à part la douleur des contractions qu’il faut vivre, mais ça, c’est le processus normal!, ça devrait aller!!! Par contre, la mise en terre, ce grand trou noir me terrifie!!! Ce qui me vient, c’est la peur d’étouffer !!! Pendant très très longtemps, je m’endormais en évitant de couvrir trop ma tête car j’avais peur de mourir étouffée. Et aussi pendant de très nombreuses années, je faisais le même cauchemar : Je me perdais, je ne retrouvais plus ma voiture, je ne retrouvais plus mon cartable, tout était en lien avec la perte. Ça ressemble aux symptômes des personnes atteintes d’Alzheimer, ça éveille ma peur d’avoir la même chose que Papa, mais tout comme la peur de la mise en terre, je fais taire cette peur en mettant un couvercle dessus. Pour revenir au mot mort, je veux trouver une solution pour être apaisée par apport à ça! jusqu’ici, je fuyais en me forçant à penser à un sujet plus joyeux car pour moi à ce jour la mort, c’est très très triste. Je veux réussir à me concentrer sur la solution pour être en paix avec la mort, mais pour l’instant je n’y arrive pas. La panique prend le dessus. J’ai pensé tant que je ne serai pas apaisée par apport à ma propre mort, je ne pourrai pas être à l’aise aux côtés de mon Papa.

Réponse de Lydia:

Ce que vous vivez avec tant de chagrin s’appelle le deuil blanc, la perte de la personne aimée de son vivant. Votre papa n’est plus la personne d’avant, et ça fait mal. C’est normal d’avoir du chagrin et ce serait bien si vous pouviez l’exprimer en pleurant, peut-être pas devant votre papa, mais chez vous ou sur l’épaule d’une personne de confiance. Vous avez tellement réprimé les émotions que c’est l’heure de les laisser s’exprimer. Je vous suggère aussi de prendre une feuille blanche et d’écrire ce qui vous fait mal et vous chagrine, ce qui vous manque maintenant avec lui etc. Puis écrivez aussi ce dont vous êtes reconnaissante d’avoir reçu et appris de lui… Cela vous permettra de mettre des mots sur tout ce que vous ressentez. C’est important pour vous, de commencer à nommer et à reconnaître votre souffrance.

Quant à votre peur de la mort je comprends mieux. Vous projetez une ancienne expérience d’étouffement sur lui qui va se trouver un jour dans un cercueil sous terre. Or, sachez qu’en expirant, la conscience quitte le corps comme un automobiliste quitte sa voiture. Si la voiture va à la décharge, le conducteur, lui, est libre. Par contre, vous, vous souffrez d’une expérience traumatisante d’étouffement, peut-être déjà périnatale. Ce serait bien si vous pouviez traiter cette phobie avec une approche genre TIPI (technique d’investigation des peurs inconscientes) ou par l’hypnose. Je ne crois pas que votre rêve parle d’Alzheimer, mais plutôt du fait que vous vous êtes perdue dans votre vie. Ne m’aviez-vous pas écrit que vous avez bloqué votre émotionnel ?

Vous avez construit un « faux self » en refoulant vos propres sentiments et besoins pour vivre en façade un personnage qui n’est pas vous. La voiture (le véhicule, l’outil pour conduire sa vie), ou le cartable perdu qui contient des papiers importants (l’identité), parlent de cette perte de vous-même. Vous avez paumé la petite fille qui sent et souffre au fond de vous-même. Vous l’avez parfaitement compris : la déchéance de votre papa a réussi à vous secouer dans ce faux personnage fort que vous avez construit pour survivre, afin que vous vous retrouviez enfin et commenciez à vivre – à vraiment vivre.

Question du 2 octobre 2013 (Suite de la question du 16 septembre ci-dessous)

Je sais que je porte en moi un bébé « abandonné » puisque j’ai été arrachée à ma mère sans qu’elle ait jamais pu savoir ce qui s’était passé (elle a été chloroformée et s’est réveillée déchirée et attachée à son lit sans pouvoir me prendre dans ses bras et sans obtenir de l’aide même quand le berceau était au soleil et que je pleurais). Par la suite, mon éducation a été celle d’une fille à qui on interdisait tout par peur d’agression sexuelle (que ma mère avait probablement subie mais je l’ai compris à demi-mots seulement quelques jours avant sa mort) et pour mon père, rien de ce que je faisais n’était jamais bien. J’ai aussi reçu des coups de ma mère pour des broutilles ( telles une note de 4 sur 6 en comportement à l’école…!) Tout cela m’a rendue certes fragile mais malgré qques thérapies, personne ne m’a appris à consoler mon enfant blessé. J’ai donc surement cherché cet amour féminin chez ma fille ( je lui avais d’ailleurs expliqué tout ça en m’excusant de lui avoir inconsciemment donné un rôle qui n’était pas le sien). Cela m’interroge et me culpabilise par rapport au sens de sa maladie ( même si je sais que ça ne sert à rien et qu’elle a aussi fait ses choix). Ma question est: comment je me sors de cette perpétuelle quête de reconnaissance, comment je soigne mes blessures et deviens enfin adulte, comment je me passe de l’amour de ma fille???!!! Je ne sais pas comment ME donner ce que les autres ne peuvent pas m’apporter! Merci pour vos précieuses réponses.

Réponse de Lydia:

Je vous remercie pour votre confiance. Imaginez que certaines rencontres se fassent déjà dans l’au-delà et qu’un enfant vienne avec la tâche d’aider sa maman dans son évolution. Donc tout est bien, mais vous avez maintenant à faire le reste, à aller au-delà de la blessure qui a été ravivé par son départ. Vous comprenez maintenant mieux que les sentiments qui vous animent et notamment le trou noir, remontent à votre conscience d’adulte sans appartenir à l’adulte, car ce sont les sentiments du bébé et la souffrance provient du bébé. Enfin vous êtes en contact avec ce bébé que vous avez été, seulement encore une fois il n’y a personne là pour lui! Et personne ne pourra jamais être là pour lui sauf vous à cause du décalage dans le temps. Si seulement vous pourriez être touchée par cette part de vous-même, au lieu de re-sombrer dans sa souffrance! Le jour où j’ai réalisé que ce que je sentais était SA souffrance et non pas la mienne d’aujourd’hui, j’ai fait un premier pas dehors. A mon sens c’est le travail thérapeutique primordial, une thérapie d’enfant. Je peux aussi comprendre pourquoi vous culpabilisez tant car le bébé devait aussi culpabiliser d’avoir dû déchirer sa maman et lui infliger ce que des violeurs lui avaient déjà infligé. Et pourtant il était innocent. Accueillez ce bébé coupable avec vos mots, en lui disant qu’il n’y est pour rien, qu’il devait juste naître. Comme vous aujourd’hui, sur la déchirure de votre fille vous devez renaître. Je vous souhaite de tout cœur que vous renaissiez, alors votre fille ne sera pas morte pour rien.