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Je souhaiterai ne plus violenter mon corps

Je me permets de te contacter de la part d’une amie commune M. Je suis depuis le 30 décembre en traitement de chimio pour un sarcome des tissus mous détecté après une opération. J’en suis à la moitié (3 sur 6 à recevoir). Avant de recevoir la 3ème, la veille je me suis levée très angoissée. J’appréhende arrivée à la semaine avant le traitement. De penser au produit (rouge) l’image me donne envie de rendre et déclenche un spasme de haut le coeur. Je sais que le produit va me permettre de guérir. La couleur, ce qu’il représente dans les autres parties de mon corps (je sais qu’il est toxique pour mon coeur), des effets qu’il produit (tension entre 15 et 22) à ce jour enfin maîtrisée avant que je comprenne, les brûlures du fond de la gorge, à l’estomac comme si les chairs se retournaient, le bout de la langue comme si je m’étais brûlée, les envies de rendre, la fatigue (çà c’est rien), je sens bien qu’il y a une « réticence » (je ne trouve pas le mot précis). Ce qui me donne envie de rendre c’est ce goût métallique, de fer au fond de la gorge. A ce goût j’associe l’image du poison (produit radio actif) figurant sur les étiquettes et là j’ai la nausée plus que tout. IL faut que je me fasse violence pour penser très vite à autre chose.

Je sais que je vais m’en sortir. Dans ma tête il est clair que je reprends mon travail à la rentrée. Il y a du positif en moi mais je fais partie de la génération qui est née à une époque où de prononçer le mot cancer était associé à mort. Mais avant celle-ci il y avait associée à la souffrance le produit toxique (un peu genre radioactif). Le jour de mes 4 ans, ma grand-mère paternelle est décedée d’un cancer généralisée (elle n’avait pas voulu entreprendre de soin). Je te parle de cela c’était en 1961. Je me souviens de l’avoir vu allitée dans une chambre sombre. Je savais qu’elle était gravement malade. Elle m’avait demandée de prendre une tirelire (c’était un chien) remplie de pièce et qu’elle était pour moi. J’étais fière. Je savais qu’elle m’adorait (la fille de son fils tant adoré..) C’est le seul souvenir conscient qu’il me reste d’elle. Lorsque je suis au Centre Léon Bérard çà se passe bien. J’accepte tout. Maintenant je regarde ce liquide rouge arriver dans mon corps. Je respire profondément et me dit que ce produit anéanti les mauvais tissus. Mais ce n’est pas suffisant car j’avoue avoir envie d’être à la fin de la chimio. La première semaine où je reçois celle-ci je me dit, mais comment je vais faire pour recevoir les suivantes…. Et puis les jours passent, je reprends du poil de la bête, je vais marcher, prendre l’air, m’occuper de mes projets d’appartement (travaux) et emménagement.

J’ai mes enfants. J’ai mes amis que j’essaie de pas trop solliciter et surtout de ne pas parler que de moi car ma vie c’est ma maladie pour laquelle j’avance en acceptant les soins et en me disant que je souhaiterai ne plus violenter mon corps comme je l’ai fait durant ces dernières années n’ayant pas su ni pu moralement stopper hémorragie de personne toxique, mais c’est également la vie de tous mes proches et l’amour qu’on se porte les uns, les autres. L’avant veille je prends rendez-vous avec un acupuncteur car je ne veux pas revivre l’angoisse de la fois dernière (heureusement j’étais invitée chez des amis et le long du trajet il y avait un beau soleil). La lumière c’est de l’énergie…. J’avais réussi à bien dormir. J’étais le lendemain matin dans l’action et de me préparer et d’aller recevoir mon traitement, donc dynamique (comme à chaque matin de chimio). Je pense avoir besoin un peu de ton aide….! C’est un peu embrouillé : mais çà je pense que tu l’auras perçu tout le long de ce mail… M E R C I

Réponse de Lydia:

Oui, M. m’avait parlé de toi à qui on avait découvert un peu par hasard une tumeur logée quelque part dans tes poumons et qui te faisait souffrir depuis pas mal de temps par un important essoufflement, si je ne me trompe pas. Je peux bien ressentir avec toi ton appréhension de la chimio, car c’est quand même une artillerie lourde avec des « dégâts collatéraux ». Tu décris bien ton ambivalence devant ce traitement. Tu veux faire ce traitement et en même temps tu le refuses – la nausée en est une indice assez claire. Je me suis beaucoup battue contre mes symptômes durant ma chimio. La première chose que j’ai dû apprendre était de nommer de façon neutre les produits qu’on m’injectait. Mon accompagnateur m’a signalé que le mot poison était un jugement qui induisait évidemment le rejet. Il me proposait de les appeler des produits puissants dessinés à détruire des cellules cancéreuses. Je pense que tu pourrais profiter de la visualisation qui consiste de t’ imaginer la tumeur avec une faiblesse fondamentale : sa reproduction anarchique la rend vulnérable au produit. La couleur rouge peut t’aider à visualiser sa force agressive.

Imagine ce liquide par ex. comme une attaque de feu qui brûle ce qui doit brûler. Tu reçois certainement aussi des produits dans ta chimio qui te protègent comme un film protecteur d’eau sur les cellules saines qui ne doivent pas brûler. Cet aspect est très important : utilise une image de protection des cellules saines du corps qui sont intelligentes et ne se laissent toucher que très peu par ce liquide, alors que les cellules cancéreuses s’en gavent et crèvent. Imagine leur destruction et leur élimination par la « voirie interne ». Puis imagine aussi tes globules blancs qui attaquent la tumeur et font exploser les cellules malignes. Si cela t’aide, utilise des images d’une armée indigène (les globules blancs) soutenus par une armée étrangère mais alliée qui vole à ton secours avec sa puissance de force de frappe. Ce sont certes des images de guerre, mais qui peuvent t’être utiles en ce moment car il me semble important de dépasser ton aversion contre un traitement que tu as quand même choisi ou accepté. Tu peux associer le goût dans la bouche à l’action du feu qui laisse un goût comme preuve de son passage. Je crois qu’observer des effets visibles peut aussi aider à croire à son efficacité et à mieux l’accepter. Dans ce type de parcours il est utile d’apprendre à distinguer entre symptôme supprimable et non supprimable. Je me suis beaucoup battue contre des symptômes non supprimables et d’autres, parfaitement supprimables, je les ai endurés. On est bizarre ! Je pense la nausée est supprimable car elle est le résultat de ton rejet intérieur et des images négatives que tu peux cependant modifier. Par contre le goût n’est probablement pas supprimable à moins d’arrêter la chimio.

Donc arrête de te battre contre lui ! Si tu es intéressée d’en savoir plus, je te conseille le livre de Carl Simonton « Guérir envers et contre tout ». C’est un guide d’accompagnement pour des personnes atteintes du cancer qui ne se contentent pas des traitements médicaux mais veulent collaborer avec leurs ressources intérieures au traitement. Ta participation est très importante. Pour le moment tu te bats plutôt contre ton alliée ! Je te conseille aussi de prendre de la bicarbonate de soude (utilisée dans la cuisine) que tu mets dans l’eau à boire (à diluer à ton goût, comme l’eau de Vichy riche en bicarbonate). Cela aide à baisser l’acidité dans ton corps. Il m’a fallu du temps pour découvrir ce remède de grand-mère qui m’a aidé à guérir les aphtes dans la bouche et ailleurs, puis à les empêcher, mieux que les médicaments que le médecin me prescrivait. Ce qui m’a aussi aidé était de penser mon cancer et son traitement comme une aventure qui nous offre forcément des surprises. J’ai découvert que ce n’est pas vrai que d’une séance de chimio à l’autre les effets s’empirent. Lorsqu’à la 4e j’étais curieuse plutôt qu’apeurée à observer ce qui se passait dans mon corps, je n’ai eu presqu’aucun effet secondaire ! Je suis d’accord que le cancer est une maladie grave, potentiellement mortelle. Mais nous ne sommes nullement impuissants face à lui. De ta grand maman garde l’amour que tu as reçu, mais laisse-lui le cancer ! Ne te mets pas dans une lignée cancéreuse avec elle, à moins que tu veuilles la rejoindre… C’est une excellente idée de t’entourer par l’acupuncture, les amis, de la beauté, par ce qui te fait plaisir avant, pendant et après les traitements. Si tu as d’autres choses à me partager, n’hésite pas !

Ce sont des situations où nous avons vraiment besoin d’aide !

Je t’embrasse et te souhaite de faire plein de découvertes passionnantes.