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Je ne sais plus quoi faire de ce vécu qui me ronge de l’intérieur

Ma mère a été diagnostiquée cancéreuse en mars 2010, un cancer de la vessie qui c’est avéré généralisée. Le premier choc fut dans l’annonce, un coup de fil, à l’heure du diner et le monde a changé pour moi. Nous avons eu la chance de vivre une rémission de 2 mois où maman a pu partir en vacances et vivre en dehors des traitements. Novembre 2010, rechute. Maman a tout doucement décliné, nous l’avons entouré, nous l’avons soutenu comme nous pouvions. A la mi-février, le cerveau a été atteint, maman a perdu certaine capacité. Des rayons ont permis qu’elle retrouve l’usage de la parole et sa motricité fine mais les jambes ne se sont pas remisent, elle est devenue tout doucement handicapée. Je dis doucement mais cela s’est fait vite en faite, je crois que le temps a ralenti pour nous… . Je me suis beaucoup occupée d’elle, de son retour à la maison où elle voulait vivre ses dernier jour, j’ai trouvé l’aide pour ce projet en dehors du système hospitalier, grâce à une connaissance. J’ai du m’occuper de choses d’ordre organisationnel, sanitaire, juridique, alors que ma mère mourait et que j’aurais souhaité être avec elle simplement. Maman est décédée le 28 mars 2011. Comment se fait-il qu’aujourd’hui lors d’une fin de vie à domicile nous devions nous retrouver si seul. N’est-ce pas un droit fondamental? J’aurai aimé vivre mon deuil sans être envahie par ces images de ma maman que j’ai du porter, laver, nourrir. Je n’arrive pas à aller au-delà, revoir nos beaux moments. Je suis heureuse d’avoir pu lui offrir un dernier voyage dans sa vie comme elle le souhaitait, et qu’elle ait eu une mort paisible, entourée, dans sa maison. Mais aujourd’hui je ne sais plus quoi faire de ce vécu qui me ronge de l’intérieur. Comment me relever?

Lydia répond:

Je vous remercie pour votre partage dont j’entends la douleur et la colère qui s’exprime malgré les belles choses que vous avez vécues durant la fin de vie de votre mère. J’avoue ne pas comprendre exactement de quelle aide vous parlez qui vous aurait manquée. N’aviez-vous pas des soins à domicile pour vous soutenir sur le plan des soins et des démarches ? Ou d’une aide familiale pour les tâches plus ménagères ? Ou parlez-vous de l’aide pour les démarches administratives ? Si vous êtes hantée par les images des soins que vous avez donnés, il se peut que quelque chose y relative n’a pas passé ou vous a traumatisée, mais quoi ? N’avez-vous pas aimé vous occuper d’elle ? Etait-ce trop pour vous ? Ou bien étiez-vous révolté de devoir le faire ? Essayez de nommer ce qui est douloureux dans vos souvenirs. Les fixations sur des images signifient souvent qu‘on a refusé l’événement. Pourtant, vous avez pu vivre des moments intenses, d’une grande intimité et certainement aussi beaux à travers les soins prodigués. Un peu vous êtes devenue mère de votre mère. Il pourrait aussi y avoir une autre raison : vous êtes attirée par ces images, car elles rappellent des moments intenses avec votre mère alors qu’aujourd’hui c’est douloureusement vide. Les images vous la ramènent pour compenser son absence. Notre petit ego préfère parfois la douleur plutôt que d’être face au rien. Donc la première chose est de comprendre le sens de votre fixation sur les images douloureuses. La suite dépend de votre réponse. N’hésitez pas de me réécrire.

Suite de cette question:

Merci pour votre réponse, quand je parle du manque d’aide, c’est lorsque maman nous a dit vouloir rentrer à la maison alors qu’elle était en fin de vie et que j’ai voulu avoir de l’aide de la part de l’assistante social de l’hôpital pour me renseigner sur la prise en charge, là je me suis rendu compte que pour elle il n’y avait pas d’urgence, comme si ma maman allait bien. J’ai essayé dans un premier temps de trouver toute seule une solution ce qui m’a juste rendu totalement stressée. Ensuite j’ai appelée en urgence une amie qui travaille comme thérapeute dans le cadre des familles en deuil pour savoir quoi faire. Dès ce moment tout s’est débloqué. Mais dans un instant si dur se trouver confronté au déni des personnes aidantes a été un choc. Je pense que c’était trop, je me suis occupée d’elle avec plaisir, pouvoir lui offrir ces moments a été très fort pour moi, mais durant sa fin de vie j’ai été assez seule, mon frère et ma soeur étaient encore a croire qu’elle pourrait aller mieux ou du moins qu’elle ne mourait pas 15 jours après être rentré de l’hôpital. Les images fixées en moi sont les moments qui m’ont obligés à voir la vérité en face, la mort approchait. J’avoue que cette intimité avec la mort en marche je dois la « digérer », je ne sais pas comment le dire autrement. Oui j’ai été la mère de ma mère et ce fut des instants d’une intensité énorme. Pouvoir être auprès de ceux que l’on aime, en leur donnant l’amour, le respect, tout en préservant leur dignité, par des gestes, des caresses, des mots que l’on avait partagés au temps de l’enfance, est unique. Merci de m’avoir répondu et de m’avoir donné des pistes à explorer.

Lydia répond:

En lisant votre réponse, il m’est apparu que tout le monde s’est trompé sur votre mère ou était dans le déni : l’assistante sociale, votre frère et sœur et peut-être même une part en vous, celle qui est restée bloquée sur image. Normalement ceux qui quittent l’hôpital, c’est qu’ils vont mieux. Il se peut que l’assistante sociale se soit laissé leurrer par votre maman très lucide ? Je crois vous avez été confronté aux effets néfastes du déni, quand personne ne veut regarder la mort en face. Et vous convenez, même pour vous, celle qui était le plus en accord avec les événements, vous aviez de la peine à regarder la vérité en face. Ce n’est jamais la mort en marche qui pose problème mais son refus. Notre société n’est pas encore prête à accompagner la mourance. Souvent c’est une démarche individuelle, sauf si vous disposez à domicile d’une équipe mobile de soins palliatifs. Mais il semble que vous n’étiez pas au courant de ce qui existe, et vous n’êtes pas la seule. Bravo quand même pour toute la route que vous avez faite en solitaire. Elle a aussi permis de mesurer votre force. Dans les familles il y a souvent une seule personne plus mûre que les autres et qui porte tout. C’était vous. Espérons que votre action aura un effet de contagion sur les autres. Actuellement vous attend une nouvelle épreuve : le deuil de votre mère, l’absence et le vide après une grande intensité de vie. Mais ceci est une autre question. Recevez mes salutations cordiales, Lydia Müller